2010-04-25

Ma terre

Je suis fils de la Terre.
J'ai acquis ma nationalité. J'aurais pu en acquérir d'autres si le hasard de la vie me l'avait octroyé, car je me sens tellement fils de cette Terre.
Mais les lois des pays n'acceptent pas toutes les multinationalités et j'ai perdu ainsi la mienne d'origine.
Qu'importe d'ailleurs, je suis un voyageur entre mon premier cri et mon dernier souffle.
Je n'ai ni honte ni fierté pour ce que je suis, ce que j'étais et pour mes origines qui tout compte fait ne m'ont pas si mal façonné pour ce voyage.
Là où je vais, là où je me sens bien en endossant les traditions de ceux qui m'accueillent, là, je suis chez moi entouré d'amis.
Bien sûr, je ne peux tout accepter. Non que j'ai absolument raison sur l'autre : mais mon héritage culturel peut me rendre hermétique, voire douloureusement sensible à certaines coutumes et croyances. Alors, humblement, je m'en excuse auprès des autres tant que je sais que je ne nuis pas et je fais confiance à leur compassion pour l'étranger que je suis.
La logique, cette croyance qui est la mienne, et qui souhaite être empreinte tant de sincérité que d'humilité, m'a enseigné que jamais je ne trouverai d'individus ou de groupes d'individus qui correspondent à tous mes desiderata. Alors, je considère que lorsque j'ai plus d'une certaine quantité floue d'affinité avec l'être ou la communauté, c'est qu'un lien puissant peut être tissé : conjoint, ami, collègue, compagnons, citoyens de la terre qui m'héberge.
Lorsque j'ai endossé la nationalité française, c'était pour moi un honneur d'aller voter dès que je pus. Tout ce qui blesse la France, ou plus précisément ces centaines de personnes avec qui je partage ma vie, mes rêves comme mes souffrances, ces personnes qui sont françaises de naissance ou de choix, me blesse moi. Et dans ce cas, même si je suis fils de la Terre, toute la Terre, que l'on ne me demande pas comme dans l'évangile « de tendre l'autre joue ». Certes, j'essaierai de suivre le conseil de ce même livre : « pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font », car ce Jésus, avec ce conseil désespéré, avait bien anticipé Freud, Marcuse, Laborit et bien d'autres chercheurs qui m'ont éclairé sur la condition humaine plus que sur la politique.

2010-04-20

De la sous-traitance au « mal » traitement.

La sous-traitance est un contrat par lequel une entreprise dite « mutuelle » demande à une autre entreprise dite « assujettie » de réaliser une partie de sa production ou des composants nécessaires à sa production. Les entreprises sous-traitantes sont des entreprises auxquelles sont agréées certaines parties de travail.
Le sous-traitant est différent du simple fournisseur car il fabrique un produit conçu par le donneur d'ordres ou, souvent, en commun avec lui. Le produit est fabriqué par le sous-traitant pour le compte exclusif du donneur d'ordre et ne porte pas son nom. Le sous-traitant s'engage exclusivement sur la conformité de son exécution par rapport aux directives du donneur d'ordre.

L'homme, comme toute espèce vivante, est un transformateur d'énergie. Il en a pour vivre et créer, mais il doit se la procurer et cette opération consomme de l'énergie, donc une perte.
L'une des tâches de l'intelligence est d'en optimiser le rapport gain/perte. Ce rendement est amélioré par exemple en évitant de refaire le processus de création complet. D'où l'instinct de possession qui permet de conserver l'outil fabriqué plutôt que de le reconstruire à chaque besoin.
Grâce à son intelligence, l'humain a aussi compris qu'il était rentable d'utiliser l'énergie d'autres êtres vivants soit pour accumuler les énergies et leurs effets par synergie, soit pour économiser les siennes en sous-traitant ses actions. Ainsi, l'agriculture est plus rentable que la cueillette, l'élevage que la chasse et la domestication permet d'utiliser les compétences des autres formes évoluées de vie.
L'humanité découvrit que l'animal le plus rentable était l'humain lui-même, créant ainsi la dominance de l'homme par l'homme. Au début, seuls les « hors-clans » étaient exploités. Il s'agissait de castes de bannis ou de vaincus lors des guerres territoriales. Mais peu à peu, l'intérêt fut plus grand, les dominants plus gourmands. Les guerres devenaient razzias suivies des traites. Si l'esclavagisme a disparu en surface, on peut toujours, hélas, se demander ce qui a prévalu dans le subconscient de la dominance. Par exemple, était-ce le sort des esclaves des États du Sud ou leurs « valeurs » concurrentielles par rapport aux industries nordistes ? Peut-être vaut-il mieux, pour certains dominants, de ne pas faire de psychologie de profondeur ni de fouilles historiques qui pourrait déterrer une vérité encombrante, choses que d'autres prétendants à la dominance ne se gêneront pas d'exploiter un jour où l'autre pour réveiller haine paranoïaque et désir de revanche, et recommencer ainsi à leur avantage exclusif un cycle de nouvelles têtes remplaçant celle qui furent tombées.
La civilisation a progressé et se nourrit maintenant de sous-traitants salariés de plus en plus externalisés pour gagner en liberté de cessation de contrat et aux taux de change... Rien n'arrête le progrès...
Point besoin de recourir au second principe de thermodynamique pour comprendre que l'employeur doit « dépenser » moins d'énergie qu'il en « récupère », sinon, il s'épuiserait. C'est ce qui se passerait lors des échanges directs, par exemple, en payant les services d'un plombier, d'un médecin. Dans ces derniers cas, la rétribution est telle qu'il serait en général impossible d'employer à son compte de tels « salariés ». (Et que dire des « services » demandés à la femme, ce qui mériterait bien plus qu'un pamphlet d'article.) Ce n'est réalisable que parce que c'est ponctuel. Si l'employeur faisait lui-même le travail qu'il a assigné à l'employé, il gaspillerait sans doute plus pour gagner moins puisque son temps serait monopolisé par cette tâche. Si le plombier ou le médecin était vraiment salarié, leur patron devrait leur fournir obligatoirement moins que ce qu'il gagne au total.
Cette situation n'est pas nécessairement « injuste », car nombre de salariés accepteraient que la part supplémentaire de l'employeur corresponde à une certaine protection de l'association employeur/employé. Le bénéfice du patron devient en quelque sorte une rémunération. Mais, lorsque le profit de l'employeur devient « impudiquement » supérieur au « troc » de compétences, la sous-traitance est souvent ressentie comme une « mal traitance », une exploitation de l'homme par l'homme.
Un effet pervers se crée à partir de cette hypergratification de la hiérarchie dominante. Le « management », ressenti comme source de profit « conséquente », pour beaucoup un but social, dont le parcours orientera les choix de l'éducation vers cette « manne » au détriment des métiers productifs. Les systèmes européens sont rentrés en plein dans ce processus qui ne peut qu'entraîner à terme un certain collapse cybernétique. Et ce problème est d'autant plus vicieux que ce système associé au libéralisme (mais à peine contesté par les socialistes issus de ces rangs) est souvent considéré comme modèle à suivre dans les pays dits émergents.
Et si les rameurs n'ont plus l'énergie, ou s'il n'y a plus que des barreurs, comment le bateau fera-t-il pour avancer ? Nous sommes bien dans la même galère où nombre d'intellectuels admirent doctement, voire silencieusement, les signes avant-coureurs de la tempête.
Les systèmes socialistes abandonnant les idées du communisme à cause de ses nombreux échecs de mises en place par des humains qui ont voulu tout corriger sauf l'humain dominant, semblent oublier que tous les métiers sont honorables, pas seulement ceux du prolétariat, et que la seule manière de faire participer dignement tous les humains à leur société c'est par la synergie comme les organes et les tissus d'un organisme complexe. Au lieu de cela, ils instaurent leur hiérarchie, leurs élites et ils ont oublié qu'il y a autant d'honneur d'être un premier violon qu'un chef d'orchestre, et qu'il n'y aurait pas de premier violon s'il était soliste, et que sans le machiniste qui se cache dans les coulisses il n'y aurait peut-être pas de lumière pour voir les musiciens.
La sous-traitance est incontournable pour que l'humanité grandisse. La hiérarchie est peut-être inévitable, mais la dominance ? Lorsque la crise s'installe dans un organisme, ce qu'on appelle le « stress », lorsque les organes commencent à souffrir de manques divers, de déséquilibres au profit de certains autres, c'est petit à petit l'être entier qui tombe malade. Et pourtant, dans l'organisme, les organes qui monopolisent l'énergie ne le font pas par pur égoïsme, par « domination ».