2010-12-11

Domination

« Tant qu'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent et tant que l'on n'aura pas dit que jusqu'ici cela a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chance qu'il y ait quoi que ce soit qui change. »[1]

Max Weber définit la domination comme : « toute chance qu'a un individu de trouver des personnes déterminables prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé. » Autrement dit, un dominant est un être et bien souvent un groupe est en position d'imposer, par tout moyen à sa convenance, y compris la force, ses idées, ses lois, sa vérité ou ses croyances voire simplement son bon plaisir.[2]
La domination utilise plusieurs moyens :
  • l’agression (ou de domination par la force) ;
  • la dépendance (ou la menace d'un « manque ») ; ces deux cas ôtent souvent la possibilité de fuite imposant une soumission souvent inconditionnelle ;
  • la manipulation (ou de domination par la ruse).

L'agression

À l'instar de la sexualité, l'agressivité fait partie des briques de base de notre « vitalité ». Elle est indispensable pour agir et aller de l'avant en surmontant voire en détruisant les obstacles. Comme la sexualité, l'agressivité peut être exacerbée, pervertie, mise à l'honneur ou l'index selon les définitions des sociétés. Il est donc très difficile de définir une normalité, mais la sexualité et l'agressivité peuvent s'éduquer afin d'en extraire la violence. Il semble néanmoins que la colère, qui est une émotion d'alerte, soit « techniquement » plus difficilement maîtrisable et en même temps plus facile à induire comme le montrent tous les incitations et enseignements à la haine.
L'attitude sociale qui s'appuie sur l'agressivité, l'agression, est définie comme étant le comportement dont le but est de porter dommage à autrui pour détruire l'obstacle qu'il représente, le résultat étant l'élimination, la fuite ou l'abdication des personnes ou des groupes. L'agression est souvent utilisée dans le partage des dominations de manière défensive ou préventive. Les dominants utilisent souvent le dernier argument pour justifier des guerres de contrôle.
Mais les violences ont un prix élevé aussi pour ceux qui en sont à l'origine. Il existe d'autres méthodes moins destructrices pour imposer sa domination, notamment, la limitation de liberté ou la menace. De plus, l'agression ne prédispose pas à une soumission rentable et le risque de revanche reste présent parfois sur plusieurs générations.[3]

La soumission

La soumission qui est le rapport entre deux entités dont l'une influence le comportement de l'autre peut violer les deux premières lois de la Charte de Hôdo.
La domination s'accompagne souvent, mais pas nécessairement, de l'usage de l'autorité, c'est à dire du droit de pouvoir commander et d'être obéi. L'autorité implique des notions « culturelles » de « légitimité » validant l'obéissance indispensable dans de nombreuses relations fonctionnelles (productives ou relationnelles) : c'est le cas du chef d'orchestre, du chef pompier... [5] Lorsque l'autorité est dévoyée à des buts de domination, elle devient rapidement tyrannie. Elle peut être conquise par la force (donc l'agression) ou par une suite de manoeuvres (comme les flatteusement dénommées « ambitions de carrière ») pouvant conduire à des maltraitances du type harcèlement. Une autorité légitime peut aussi se pervertir. Ces dérives sont à l'origine du concept de l'anarchie.[6]
La soumission à l'autorité est un phénomène bien étudié depuis l'expérience de Milgram, dont l'ampleur des conséquences fait peur, gênant par la même occasion la recherche sur des mécanismes cérébraux qui peuvent pourtant entraîner l'autodestruction du soumis.
La dépendance, présentée souvent comme une « protection » est l'un des arguments de persuasion privilégiés des dominants (mafia « protégeant » son domaine, proxénète « protégeant » sa prostituée, mais aussi État protégeant son peuple ou parent protégeant son foyer...)

La manipulation mentale

« L'influence interindividuelle ou l'influence sociale fascine et effraye. (...) les terribles faits divers qui lui sont attribués (Suicides collectifs, crimes rituels…) ainsi que de troublantes études scientifiques (Travaux sur l'hypnose, études expérimentales sur le conformisme ou la soumission à l'autorité…) nous affirment l'existence d'une force quasiment irrésistible et qui pourrait nous pousser à faire ou à penser des choses que nous ne voudrions pas, une force qui pourrait même nous conduire à notre perte. Il y a, avec l'influence, l'idée d'une intrusion, d'un véritable viol de la conscience, de la volonté… qui semble pouvoir passer sous le contrôle ou la volonté d'un autre. Ce n'est plus moi qui veux ou qui agis, c'est la volonté d'un autre qui est entrée en moi et c'est un autre qui agit à travers moi (sentiment de possession) » Stéphane Laurens.
La soumission est d'autant plus efficace que les « victimes » sont consentantes[7]. Plus elles ont l'impression d'agir en liberté, plus elles seront enrôlées, comme s’ils se sécrétaient leur propre dépendance. La manipulation mentale est la plus douce des techniques de domination, mais elle peut être utilisée autant dans un domaine positif comme l'encouragement à surmonter un obstacle que dans un but d'extorsion. Il est donc difficile, là aussi, de déclarer que tout est blanc ou noir[8]. Mais ce qui est important, c'est de savoir que tout le monde l'utilise et pas seulement l'escroc qui essaie d'abuser d'autrui. L'enseignant qui encourage un élève à surmonter l'obstacle utilise à son insu la manipulation mentale, est, hélas, parfois le même qui dévalorisera un autre élève...

L'assertivité et le comportement hôdon

L’assertivité désigne un comportement ou une attitude qui s'appuie avant tout sur le refus d’avoir recours aux trois comportements types à effets négatifs vus plus haut. Néanmoins, ce comportement doit avoir la capacité de défendre ses droits et de garder une attitude de fermeté par rapport aux événements et à ce que l’on considère comme acceptable ou non[9]. Le partage de la liberté[10] implique de toute manière une perte réciproque : l'assertivité recherche les relations harmonieuses de type gagnant-gagnant[11] comme la communication non violente.
L'assertivité a toute une série de recommandations qui sont précisément celles de Hôdo :
  • « Se respecter et se faire respecter » est contenu dans la première loi de la charte de Hôdo qui met l'action sur l'intelligence (la vie et l'environnement en sont des supports).
  • L'affirmation de ses propres limites. La deuxième loi de la charte de Hôdo en découle admettant que chacun doit pouvoir se retrancher dans un abri qui lui permet d'éviter une confrontation insupportable. De plus, Hôdo prône la notion d'humilité scientifique et de vérité ni absolue ni complète.
  • Savoir faire face à des comportements passifs, agressifs et manipulateurs et communiquer efficacement. C'est tout la mission de ce site : découvrir qui nous sommes réellement pour mieux gérer les attitudes destructrices.
  • La technique dite du « disque rayé » (ou Broken record) est considérée comme une technique commune d’assertivité. Dans Hôdo, elle s'apparente à l'usage du « hasard si non consensus » (troisième loi de la Charte de Hôdo) qui est une façon de respecter un accord transitoire tant qu'aucun des partis n'a trouvé une solution consensuelle.
  • La technique dite du « Fogging » qui consiste à commencer par trouver un terrain d’entente en isolant des points sur lesquels un accord est possible, avant de contredire la partie du discours à laquelle on s’oppose se retrouve dans la troisième loi de la Charte de Hôdo qui limite le nombre d'articles au strict minimum.
  • Les techniques dites assertives deviennent sujettes à caution si leur utilisation doit conduire à une forme de manipulation, ce qui serait en profonde contradiction avec le premier principe qui consiste justement à refuser ce comportement. L’assertivité est l’art de la concession et du compromis. Réduire l’assertivité à des « trucs et astuces », c’est en pervertir le sens profond au risque de tomber dans la caricature. C'est pourquoi Hôdo ne préconise aucune technique en particulier pensant qu’à chaque « pédagogie » correspond des pédagogues et surtout des étudiants.[12]
  • Si l’assertivité n’est pas une technique, ce n’est pas non plus une méthode puisque c’est une attitude ou un comportement. C'est pour cette raison que Hôdo devrait être art de vivre, voire une politique.

Notes :
[1] Dernière phrase prononcée par Henri Laborit dans Mon oncle d'Amérique, cf. la transcription du texte du film.
[2] Dans les romans de Hôdo, la domination est omniprésente. Elle hante même les « pionniers » qui devront concentrer leur agressivité sur des dangers communs mettant en péril leur survie.
[3] Dans « Homo syntheticus », deux états en guerre ne savent même plus pourquoi exactement elle perdure.
[4] Dans « Les anges déçus », cet état d'esprit conduira à créer des espèces d'humain dans un but uniquement de « machine intelligente ».
[5] Plusieurs organisations sont décrites dans Hôdo. Quelques « héros » rentrent dans la catégorie des « autorités sociales » dont les principaux sont Nic (« Pionniers ») et Afsânè (« Les anges déçus », « Terra se meurt »).
[6] Le principe politique de Hôdo est acratique pour se distinguer par rapport à l'anarchie au sens péjoratif devenu commun. Il n'y a pas rejet systématique de la hiérarchie même s'il y a risque de déviance.
[7] Voir par exemple, « La soumission librement consentie » des psychosociologues français Joule et Beauvois.
[8] La « manipulation » est souvent utilisée par les androïdes de Hôdo comme technique d'aïkido, pour détourner l'agressivité des humains.
[9] La démagogie est une forme manipulatrice de domination qui se substitue par ruse ou par faiblesse à la volonté de défendre certains consensus demandant une autorité pour la gérer. La démagogie se drape souvent de [tolérance et compassion]voire d'[Amour (Henri Laborit)|amour].
[10] La liberté est un concept très flou développé plusieurs fois dans ce site et les romans de Hôdo.
[11] « Ni vainqueurs, ni vaincus » est l'objectif de toute synergie où il n'y a ni dominant, ni soumis.
[12] Néamoins, des recommendations peuvent être fournies comme:
- Exprimer les faits objectifs ou du moins perçus en précisant leur mode de perception.
- Ne pas interpréter autrui. On n'est conscient (et encore !) que de sa propre vérité, pas du vécu ressenti par autrui. Le « moi » n'est pas haïssable !
- Exprimer toujours ces besoins : ils ne sont jamais devinables, ou alors il s'agit de manipulation.

2010-10-30

Point aveugle

معزة و لو طارت
ma3za walaw tarett
(dicton algérien signifiant : c'est une chèvre, même si elle vole)

Le point aveugle est une image dans le concept hôdon pour désigner l'impossibilité de voir certaines sources de nos pensées comme si, à l'instar de la rétine, des zones de conscience étaient aveugles. Il apparaît souvent que des convictions sont quasiment inébranlables face à une argumentation plus logique et cohérente que celles qui soutiennent ces convictions. Forcer à les voir peut être ressenti comme un « viol intellectuel » provoquant malaise et révolte.
Faut-il préserver ce point aveugle pour Respecter toute intelligence ainsi que son support (première loi de la Charte de Hôdo) ? Souvent, ces points aveugles doivent correspondre à des équilibres internes de la pensée au plus profond de l'être. Il peut s'agir de connaissances très tôt acquises, dans les premières années de la vie, et sur lesquelles va se construire toute la personnalité. Il peut s'agir de réponses qui permettent à la conscience d'accepter la vue de sa vie... Dans le premier cas, les défenses du cerveau peuvent être telles qu'il serait vain de prêcher quoi que ce soit qui aille à l'encontre des fondements de la conscience. Quant à la seconde, elle apparaît peut-être pour combler un « trou » qui, sinon, serait automatiquement « rempli d'angoisse ». A-t-on le droit de déstabiliser une personnalité ou de créer une angoisse, fût-elle existentielle ? D'autant que personne ne peut dire qui détient la Vérité, toute la Vérité. Il existe de nombreux points obscurs dans notre savoir, à moins que notre orgueilleux savoir ne soit au contraire que quelques lucioles égarées dans la nuit.
On parle de tolérance plus souvent concernant le comportement comme les traditions vestimentaires, mais rarement concernant les pensées proprement dites. Et là, il ne faut pas se contenter de n'y voir que conflits de religions ou de politiques, qui ne sont que des aspects les plus spectaculaires des divergences de la pensée humaine. Le rejet des idées d'autrui est bien plus fréquent et présent dans les moindres détails : des goûts et des couleurs...
Le problème des désaccords d'opinions c'est que cela touche peu ou prou la stabilité psychique d'une part personnelle et d'autre part collective. Il y a donc menace, risque d'inimitié, de rivalité et de conflits à l'échelle des individus ou des peuples. C'est pourquoi ces derniers favorisent les pensées collectives, lesquelles deviennent vite des prêt-à-penser, sorte de taques d'égouts pudiquement posées sur les reflux souterrains de la pensée.
Soyons humbles! nous avons tous nos points aveugles, alors évitons de forcer les autres à penser comme nous et acceptons les divergences tant qu'elles ne sont pas en contradiction avec un idéal minimum. Ces contradictions sont même une aubaine pour faire vivre la société humaine. Plutôt que l'affrontement, nous voulons, plus là qu'ailleurs, Respecter le droit à l'intimité et à l'évitement (deuxième loi de la Charte de Hôdo) .
Par contre, il faut sans relâche se défendre des dominants qui veulent propager leur vérité, car ceux-là essaient de profiter de nos points aveugles pour servir uniquement leurs desseins. Évitons leur protectionnisme parfois teinté de libéralisme !
Quant aux autres, la majorité, nous, certes dominants à son heure quand l'opportunité se présente, sachons cultiver et développer une nouvelle forme de vie ensemble sans recourir à des proxénètes de l'âme, sans prendre en otage les pensées d'autres humains, même s'ils ont réussi à exprimer mieux que nous certains concepts, et surtout ne soyons pas juge et bourreau avant même d'avoir été blessé.

2010-08-22

L'ange et la bête

Nous ne savons pas quelle est la part de l'ange qui nous habite. Certains pensent que cette part est nulle, d'autres croient qu'elle est plus ou moins importante, plus ou moins imprégnée dans l'être vivant que nous sommes. Mais beaucoup espèrent que nous ne soyons pas que des bêtes. Cette question effarante pour la majorité des humains trouve réponse dans tous les courants philosophiques et religieux de la planète. Souvent, cette réponse est cristallisée très tôt dans l'enfance et peu nombreux sont en fait ceux qui choisissent leur réponse.
Le problème n'est pas la réponse que l'on a choisie, car personne ne peut affirmer qu'il détient la Vérité dans un domaine qui ne contient en fait aucun mot pour le décrire. Le problème est que, justement, cette absence de concrétisation permet de cacher la bête, non pas qui sommeille en nous, mais que nous sommes réellement. « L'homme entretient de lui une fausse idée qui sous la pelure avantageuse de beaux sentiments et de grandes idées, maintiennent férocement les dominances. La seule façon d'arracher ces défroques mensongères est d'en démonter les mécanismes et d'en généraliser la connaissance. (Introduction à la Nouvelle grille de H. Laborit.) »
Car ce sont avec de belles phrases que les peuples s'affrontent : « Qu'un sang impur abreuve nos sillons ! ». « Impur », le mot qui diabolise ceux d'en face, car nous sommes les bons ! Avec un bon dieu, avec une bonne interprétation de ses lois, avec une bonne morale, avec une bonne démocratie, avec une bonne politique... Avec un bel uniforme et de belles armes que ceux qui nous poussent au combat tout en nous bénissant ne porteront jamais.
Il n'y a qu'un remède pour désamorcer la passion des guerres de Vérité. Être humble dans sa foi : faire grandir en soi son ange n'implique pas qu'il faille devenir un ange exterminateur. « Reconnaître ce que nous sommes », Bouddha n'était sans doute pas le premier à le dire, de même que Socrate n'est pas le dernier. Des chamans amérindiens aux psychanalystes freudiens, nombreux sont d'avis que cette « reconnaissance » nous fera peut-être peur. Pourtant, c'est la nature, ni bonne, ni mauvaise. Une telle peur peut-elle justifier de mériter l'enfer ? d'y envoyer les autres ? ses enfants ?

2010-08-14

Travail

Un article de Livingstone.

Au travail !
Le travail, tour à tour, devoir, droit, placement ou mérite selon le courant sociopolitique dominant.


Pourtant, dès l'instant où l'homme vit, son corps travaille, même au repos. Et l'homme a beau être un animal évolué, il est avant cela, matière et énergie. Avant d'appartenir à l'ordre des primates, et sans préjuger de la notion d'esprit qui l'animerait, l'humain existe physiquement dans un univers qui lui impose ses lois.
Pour réaliser une transformation, c'est-à-dire un travail en physique, il faut au préalable disposer d'un « capital », d'énergies potentielles disponibles. L'être vivant, en perpétuelle transformation, a cette faculté de rechercher et d'emmagasiner ces énergies potentielles. Mais cette recherche d'énergie ne doit pas coûter plus que son utilisation. Aussi, l'être vivant est-il un être intelligent, sachant optimiser le rendement de la capture d'énergie pour vivre (mieux). Ce qui fera dire à Henri Laborit : « Le cerveau, ça ne sert pas à penser, mais à agir. »
Si travailler est dans notre nature même, et dominer est dans notre stratégie, il n'est pas étonnant que l'homme use de son intelligence pour exploiter l'homme. Le capital, notion physique neutre en soi, sous l'optique du capitalisme débouche sur la production de biens consommables et la boulimie induite forçant à consommer toujours plus des biens de plus en plus rapidement éphémères. L'intelligence devait permettre de rentabiliser le travail en créant des outils et des procédures appropriées et il semblait logique que ce fût pour dépenser moins d'énergie lors de son accumulation. Mais les dominants, capitalistes ou non, s'arrangent pour que cet enrichissement leur revienne en premier lieu.
S'il est vrai que le travail collectif permet plus que le travail d'une seule personne, il est vrai aussi que beaucoup de dominants profitent du besoin de coordination pour se comporter en bienveillants proxénètes protecteurs. Ainsi, il se crée des classes de « travailleurs » et de dirigeants entre lesquels une nuée de petits chefs-ludions se battent. Parmi ces derniers certains savent exploiter le mécontentement de la base et profiter des luttes de classes pour inverser des tendances, en leur faveur, pas celle de la base, même si cela fait partie du « marché ».
Laborit en dira : « La notion de classe, malgré les réalités qu'elle contient, détourne l'attention du problème fondamental de la destinée humaine. L'essence de l'homme est-elle le travail qui débouche sur la production de biens consommables, ou la connaissance ? Si l'essence de l'homme est la connaissance, l'évolution est ouverte en grand, infiniment. Si c'est le travail, l'évolution est prête pour les crises, les dominations économiques et les guerres, quelles que soient les idéologies dominantes ».
Car c'est bien là qu'est le problème : il ne s'agit pas de faire de révolution pour changer la distribution des rôles et des ressources, mais pour savoir quel est le vrai travail de l'homme.
Ce basant sur les concepts de cybernétique, Laborit ira même jusqu'à énoncer : « Il n'est pas utopique d'affirmer que l'Humanité ne peut continuer à toujours faire plus de marchandises pour augmenter un profit dont le but essentiel est de faire encore plus de marchandises : régulation en tendance dont on peut prévoir que le pompage n'est pas loin ». Il avait anticipé les surprimes et la crise financière de 2008 !
L'intelligence devrait conduire pourtant à une diminution de fatigue, c'est-à-dire à une diminution de travail en vue de capitaliser les énergies et matériaux indispensables à notre vie avec un certain confort. Alors, pourquoi le stress est-il croissant dans nos sociétés « exemplaires »? À qui sert le travail?

2010-08-06

Société de l'information

Un article de Livingstone.

L'homme n'est pas le seul animal à communiquer. En fait, on peut supposer que tous les animaux vivants en « société » s'échangent des informations. Mais, jusqu'à preuve du contraire, c'est chez l'homme que se trouve le plus grand besoin de communiquer comme si le message technique « danger, nourriture... » était insuffisant pour libérer le néocortex emprisonné dans sa boîte. La communication est le seul lien entre notre imagination et la réalité. Ce que nos sens ont capté, ce que nos neurones ont classé, ce que notre imagination a vécu de l'intérieur le monde extérieur, tout cela est une expérience unique. Un vécu tellement unique, que l'homme qui se penche sur son existence se sent bien seul dans cet univers. Cette « réflexion » consciente est peut-être ce qui rend notre espèce différente des autres. On peut estimer qu'une part non négligeable de nos découvertes fondamentales procèdent souvent de la trilogie : « Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ? » Mystiques, voire maçonniques, ces trois questions ? Ne les retrouve-t-on pourtant pas déjà gravées dans les hiéroglyphes et ne sont-ce point là aujourd'hui des questions de biologistes, d'astronomes et de physiciens ? Notre imagination nous projette bien au-delà du « vécu ». Et, pas nécessairement dans le fantastique, ni dans les scénarios dont nous sommes le héros ! Notre imagination nous permet de voir ce que ni les microscopes, ni les télescopes ne nous dévoilent. Cette imagination fertile devient la source intarissable de l'information.
L'information est si capitale dans la vie de l'homme qu'elle est présente partout et fait l'objet d'études aussi diverses que la littérature, la gestion des bases de connaissances et des systèmes d'informations. L'information est analysée dans sa forme et son fond. Le plus extraordinaire, c'est que l'information débute dans nos gênes.
L'information est possible grâce au fait que la combinaison des forces antagonistes de la physique offre des points d'équilibre où les entités sont relativement stables. Ainsi, l'information peut-être mémorisée. Toutes ces forces de la nature permettent l'existence d'un nombre incalculable de molécules d'ADN présentes dans un nombre tout aussi gigantesque de cellules, voire virus, dont une infime proportion sont assemblées pour constituer des humains qui, au sommet de la complexité, engendrent des sociétés avec leurs traditions et leurs lois, somme d'informations toujours croissantes.
L'information est si prisée qu'avant les scribes, il y avait les conteurs qui donnèrent un nom aux objets jusqu'aux étoiles et même à l'invisible. L'information a son prix dans le commerce qui se partage tous les renseignements, qu'il s'agisse de ceux qui sont soutirés ou de ceux qui sont diffusés en masse par le multimédia. La communication, qui semble à certains comme un bien de l'humanité, est pour d'autres une stratégie pour accroître des monopoles de pensée uniformisée. Pour ces derniers, la masse croissante des exclus du savoir est tout profit. En effet, à part les délinquants qui dérangent, ajoutant parfois de l'eau au moulin de l'insécurité, les autres qui ont souvent honte de montrer leur ignorance sont aisément manipulables, grossissant ainsi la masse des « servants ».
C'est justement ici qu'intervient le pari de ce site : réunir ceux qui veulent détourner l'agressivité vers la volonté de construire, ceux qui veulent sublimer l'instinct de domination en maîtrise, ceux qui veulent partager leur savoir sans prosélytisme. Il ne s'agit pas de réunir, pour créer un parti, un mouvement ou toute autre association ayant un but « dominant ». Le projet Hôdo n'est pas une réunion de prétendues élites, paternalistes condescendants, distribuant avec parcimonie, non seulement leur savoir, mais aussi, et surtout, le moyen d'acquérir l'information, et d'en profiter.
Favoriser l'émergence d'une société de l'information, c'est aussi : Respecter toute intelligence ainsi que son support (première loi de la Charte de Hôdo) .

2010-08-01

« Errare humanum est, perseverare diabolicum »



« Il est humain de se tromper, persévérer est diabolique ».

Il serait judicieux d'appliquer cette sentence aux sociétés, quelle que soit leur taille, petites communautés, grandes nations...
Les sociétés, dès l'instant où elles alimentent leurs membres par des interrelations baignées dans un flux de prêt-à-penser, se comportent comme des entités autonomes où les individus perdent une bonne part de leur liberté de jugement et de leur choix de décision.
Il arrive néanmoins couramment que les victimes des erreurs des sociétés fixent leurs colères sur les membres de la société. Pourtant, si au cours d'un combat corps à corps, le blessé s'en prenait aux « cellules » de son adversaire, le raisonnement paraîtrait quelque peu étrange.
Les sociétés ont un « esprit » engendré, non seulement par leurs membres, mais aussi par l'interaction avec d'autres sociétés. Cet esprit qui correspond au meilleur choix du moment pour sa survie est souvent entretenu à la fois par les dominants qui en usent et abusent, et par la rétroalimentation des membres qui entretiennent le courant.
Les dominants seraient en quelque sorte des « tumeurs » du cerveau qui au lieu de se contenter de diriger l'organisme, se servirait de son pouvoir pour favoriser prioritairement leur propre bien-être.
Quant à la rétroalimentation des cellules, elles se justifient par le fait qu'elles ne sont pas au courant de la manière dont sont prises les décisions du cerveau. Elles sont censées faire confiance à l'organe directeur et donc propagent en toute « bonne foi » et sans contrôle l'information reçue qui est en général un schéma simplifié de concepts initiaux. Les cellules n'ont pas le droit de se révolter sinon elles sont expulsées de l'organisme quand elles ne sont pas tout simplement exterminées. Il en est de même pour les individus qui ne peuvent passer leur temps à critiquer toute information reçue. En temps normal, c'est-à-dire hors mutation, ils font confiance souvent aveuglément aux « sages » (religieux, philosophes, politiques, scientifiques, diplômés, doyens...) et à leurs « évangélistes » (prêcheurs, journalistes...).
Ces considérations permettraient peut-être à désenvenimer tous les livres d'histoire qui s'appesantissent sur les défaites et les invasions de tout type. Les sociétés commettent des erreurs quasiment comme des entités vivantes. À l'intérieur de celles-ci, la majorité qui n'est ni héroïque, ni martyre, ni crapule suit le courant qui les guide, persuadée d'avoir agi comme il le fallait.
Comme un être vivant, la société apprend, souvent de ses erreurs. Erreurs de jugement, erreurs de stratégie... Est-il « social » de se tromper ? Dans ce cas, par analogie, les erreurs de société, ne sont-elles pas « excusables » si elles se sont développées à l'ombre de l'ignorance et ne deviennent-elles pas condamnables si cette société persiste malgré tout à la lumière de la connaissance. La compréhension des comportements tant humains que sociaux devrait donc nous apprendre à mieux gérer les crises de l'Histoire, mais en entretenant le dépit, la revanche, la haine... l'humanité persiste à persévérer... diaboliquement.

2010-06-11

Gaïa, Pachamama, Terre mère... Terra !

Si nous étions à bord d'un vaisseau loin de toute terre ferme et sans savoir pour combien de temps, il semblerait idiot de le saccager. Les naufragés de la Méduse étaient capables de s'entretuer, non de couler leur radeau. Et pourtant, c'est ce que nous sommes capables de faire avec ce vaisseau qui vogue dans l'espace et que l'on nomme Terre.
Les anciens adoraient cette planète au point de la diviniser et de l'assimiler à la mère nourricière.
Mais aujourd'hui, son statut divin s'est effacé pour laisser place à celui d'objet appartenant au domaine public. Or, d'une part, les sociétés consuméristes et donc individualistes (deux individus séparés consomment plus) vantent le respect exacerbé de la propriété privée au détriment des ressources partagées. D'autre part, certains groupes ne participant pas aux partages normalisés des richesses considèrent les biens publics comme des « symboles » à détruire. L'un comme l'autre considère le bien public comme leur « bac à sable ». Malheureusement, la planète n'est pas un terrain de jeux et de tests où l'on peut tout effacer pour tout recommencer.
On peut prendre la fuite d'un Titanic, et survivre à la panique et au froid, mais même avec beaucoup de chance on ne peut pour l'instant quitter la Terre.
Combien de temps serons-nous en sécurité sur ce vaisseau qui nous emmène dans un voyage qui de toute manière aura une fin ? En attendant, de pouvoir créer d'éventuels canots de sauvetage, sachons éviter une fin prématurée du berceau de l'humanité.
Certains penseurs ont imaginé que la Terre serait une entité supérieure à l'humanité tout en n’étant point divinisée : c'est l'hypothèse Gaïa. Le concept n'est pas nécessairement bien accueilli (désaccords sur les arguments et leurs interprétations…), mais l'idée a ceci d'original qu'elle donne du poids à la synergie pour maintenir la Terre. Si l'objectif était de développer une « Gaïa » où toute l'humanité serait participante, alors peut-être que cette planète serait un Éden qui nous permettrait d'aller plus loin en avant vers l'infini...
L'idée serait peut-être d'apprendre partout sur Terre un « civisme planétaire » indépendant des traditions locales, et comme le sont les normes consensuelles techniques.
Mais comment peut-on respecter notre planète comme notre unique vaisseau à travers l'Espace et le Temps, si déjà nous ne sommes pas en mesure de respecter les transports en commun ?
Comment peut-on attendre le respect du bien commun tant que l'on considère que ce qui n'est pas possédé par quelqu'un n'appartient à personne ? Et tant que ce qui n'appartient à personne appartiendrait à l'occupant. Qu'importe si cet occupant est un voisin de palier quelque peu envahissant, un défricheur qui envahit un territoire dépourvu de clôtures ou un entrepreneur qui met en vente le sol de la Lune ou de Mars ! Qu'importe les armes et les arguments choisis pour annexer tout territoire : la guerre, l'argent, la politique, la religion et toutes les philosophies bien pensantes...
Plus insidieux, car plus discret, il y a l'abus des ressources communes en pensant que ce qui est partagé, ce sont les réparations. Partagées surtout par les autres !
User et abuser... Déjà, il est difficile de respecter celui que l'on voit en ouvrant sa porte, alors, pour l'anonyme, l'invisible, la Terre...
Comment faire comprendre que la détérioration coûte à tous, quand la publicité incite parfois à saccager, ne fût-ce que pour avoir le « bonheur » de laver plus propre ?
Détruire est inévitable, car inexorablement tout s'use, mais pourquoi accélérer le processus par esprit de « consommation », voire de vandalisme ? Quelle différence y a-t-il, tout compte fait dans les résultats ? Aucun si n'est dans l'esprit. Tout est question de « propreté » : consommer est plus propre qu'exprimer sa haine ! Consommer maintient la société que l'on connaît et adore puisque c'est elle qui nous permet de rêver qu'il est possible de consommer toujours plus, suprême bonheur des démocraties...
Mais tout n'est pas perdu ! Il y a le recyclage ! Invention moderne d'anciennes traditions qui se perpétuent chez les pauvres ne participant pas à la consommation.
Le recyclage, n'est-il pas devenu un leitmotiv autorisant la dégradation ? Pourquoi personne ne donne-t-il le prix énergétique du recyclage ? Car récupérer de la matière première requiert de l'énergie et parfois plus que celle de l'extraction, du raffinement et des divers traitements et transports de la matière. Par exemple, pour commencer à pouvoir retravailler le verre il faut au moins 550 °C. À cette température, les microbes sont éradiqués depuis longtemps : alors, en quoi le recyclage du verre est-il plus économique/écologique que la consigne (c'est à dire la récupération des récipients après lavage) ?
Faudra-t-il que notre planète berceau devienne planète tombeau pour en apprécier sa valeur ?

2010-05-29

Les deux loups intérieurs

Un homme âgé dit à son petit-fils, venu le voir très en colère conte un ami qui s'était montré injuste envers lui :
« Laisse-moi te raconter une histoire… Il m'arrive aussi parfois de ressentir de la haine contre ceux qui se conduisent mal et n'en éprouvent aucun regret.
Mais la haine t'épuise et ne blesse pas ton ennemi.
C'est comme avaler du poison et désirer que ton ennemi en meure.
J'ai souvent combattu ses sentiments ».
Il continua : « c'est comme si j'avais deux loups à l'intérieur de moi : le premier est bon et ne me fait aucun tort.






Il vit en harmonie avec tout ce qui l'entoure et ne s'offense pas lorsqu'il n'y a pas lieu de s'offenser.
Il combat uniquement lorsque c'est juste de le faire, et il le fait de manière juste.
Mais l'autre loup, ah, il est plein de colère.
La plus petite chose le précipite dans des accès de rage.
Il se bat contre n'importe qui, tout le temps, sans raison.
Il n'est pas capable de penser parce que sa colère et sa haine sont immenses.
Il est désespérément en colère et pourtant sa colère ne change rien.
Il est parfois si difficile de vivre avec ces deux loups à l'intérieur de moi parce que tous deux veulent dominer mon esprit ».
Le garçon regarda attentivement son grand-père dans les yeux et demanda : « lequel des deux l'emporte, grand-père ? ».
Le grand-père sourit et répondit doucement : « celui que je nourris ».

2010-05-09

Le vent et la tempête

Un article de Livingstone.

En psychothérapie, il n'est pas rare de devoir faire remonter à la conscience des souvenirs enfouis pour soigner le patient. La mémoire est effectivement sélective et elle oublie ce qui ne sert à rien pour l'intelligence qu'elle alimente, mais aussi ce qui risque de déstabiliser la structure mentale. Le problème est que les souvenirs oubliés ne le sont pas toujours complètement.
Il reste des traces dans l'énorme trame qu'est notre cerveau, et sur ces traces, jour après jour notre personnalité se tisse, créant parfois des noeuds très complexes. Ces complexes peuvent devenir si gênants pour le bon déploiement de la personnalité qu'il devient indispensable de remonter à la source et de s'en remémorer pour résoudre le problème bloquant.
Dans le concept hôdon, les sociétés sont souvent assimilées à des organismes pensants. Même si les humains qui les composent ont plus d'autonomie que les cellules qui les constituent, certains comportements de l'intelligence sont analogues.
Les sociétés humaines conservent dans leur mémoire un historique commun qui peut devenir un poison psychologique entravant tout développement sain et harmonieux. Mais les humains ne sont pas des cellules bien disciplinées vivant en synergie. L'autonomie est telle que le besoin de domination est presque un corollaire. Et certains humains plus que d'autres sont friands de domination de l'homme par l'homme. Ces dominants se comportent souvent comme les « neurones » de leur société, sauf que les neurones, eux, ne s'arrogent aucun privilège. Ces transmetteurs d'ordres, d'action et de pensée savent entretenir les souvenirs douloureux pour « profiter » de l'énergie, essentiellement négative mise en jeu. Ne lorgnons pas sur le voisin, nous sommes tous concernés, c'est d'ailleurs pourquoi le concept hôdon ne doit pas être identifiable à aucune culture.
Le devoir de mémoire est presque gênant comme définition rien qu'à cause du mot « devoir » qui, issu de la bouche d'un tyran, peut revêtir de nombreux sous entendus.
S'il y avait — et j'espère qu'il y aura un jour — une psychothérapie des sociétés, elle ferait sans doute comme avec les humains. Elle ferait remonter tous les ressentiments associés à un événement, mais non dans le but de faire souffrir soi ou les autres, de culpabiliser ou de chercher vengeance. Il faut extirper le complexe qui finalement masque en justifiant plus qu'il n'engendre une impuissance, celle de ne pas pouvoir s'en sortir dans le présent. Un tel ressassement est malsain s'il ne sert pas à comprendre la cause première qui était souvent le fait de cascades de malentendus, de peur, de réactions irrationnelles... aussi irrationnelles que celle de rejeter la faute sur autrui lorsqu'on n'est pas capable de résoudre ses problèmes.
Hélas, à la place des psychothérapeutes de société et il n'y a aujourd'hui que pléthores de semeurs de haine qui pointe du doigt la partie visible de l'iceberg, en appelant cela la mémoire : celle qu'on doit se souvenir, pour maintenir le niveau d'adrénaline assez élevé pour engendrer de nouveaux pouvoirs avec leurs nouvelles têtes dont ils rêvent de faire parties, portés par leurs troupes hypnotisées, galvanisées par cette puissance incroyable qu'est la haine soigneusement distillée et entretenue. Hélas, la compassion et la solidarité peuvent être facilement soufflées par les semeurs de vents qui espèrent lever les tempêtes.
Mais quand donc l'humanité comprendra que si la seule réponse à la vengeance est la vengeance, il n'y aura jamais autre chose que des lamentations en souvenir ?

2010-05-01

Réponse à un revanchard.

Quant à savoir qui a occupé quoi quand et comment dans l'espace méditerrannéen, je pense que des chercheurs à l'instar de Donald Wiedner s'y sont penché au moins depuis la fin des années 1950. Ce scientifique étudiait la civilisation de l'Afrique noire et évidemment, l'occupation des territoires.
Il semblerait que les Berbères, Arabes et Européens sont issus d'une même branche ethnique qui aurait ses origines entre la pointe sud de la mer Rouge et les hauts lacs du Kenya, c'est-à-dire au coeur de cette Afrique.
Les Berbères furent les premiers occupants de l'Afrique du Nord mais il se peut aussi qu'ils aient repoussé la branche nigérienne vers les sud, et ces derniers la branche des pygmées vers l'équateur à l'abri dans la forêt.

Alors que les Berbères remontèrent vers l'Afrique du nord en longeant le Nil, la branche sémitique se dirigea vers l'Est, migra vers la Mésopotamie et plus loin encore. Mais deux autres branches orientales revinrent sur leur pas. L’une au nord de la Méditerranée et l'autre au sud.
On peut remonter très loin dans les luttes fratricides de l'humanité pour l'occupation des sols, et s'il fallait tout remettre à zéro je doute que nous serions là où nous sommes aujourd'hui.

Remonter dans le passé, pour découvrir la trajectoire de l'Homme dans ce qu'il a créé en bégayant est à mon sens une belle leçon à partager avec tous, bien plus belle que celles que l'on diffuse en déterrant l'esprit de vengeance pour préparer les guerres du futur, celles que des penseurs bien à l'abri aujourd'hui susurrent à leurs enfants pour demain, sachant que les vaincus de demain se vengeront sans doutes sur leurs petits enfants parce que leurs aïeux n'auront pas su oser la paix... 

 Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle ? C'est le pardon qui doit y mettre fin (légende shintô).

2010-04-25

Ma terre

Je suis fils de la Terre.
J'ai acquis ma nationalité. J'aurais pu en acquérir d'autres si le hasard de la vie me l'avait octroyé, car je me sens tellement fils de cette Terre.
Mais les lois des pays n'acceptent pas toutes les multinationalités et j'ai perdu ainsi la mienne d'origine.
Qu'importe d'ailleurs, je suis un voyageur entre mon premier cri et mon dernier souffle.
Je n'ai ni honte ni fierté pour ce que je suis, ce que j'étais et pour mes origines qui tout compte fait ne m'ont pas si mal façonné pour ce voyage.
Là où je vais, là où je me sens bien en endossant les traditions de ceux qui m'accueillent, là, je suis chez moi entouré d'amis.
Bien sûr, je ne peux tout accepter. Non que j'ai absolument raison sur l'autre : mais mon héritage culturel peut me rendre hermétique, voire douloureusement sensible à certaines coutumes et croyances. Alors, humblement, je m'en excuse auprès des autres tant que je sais que je ne nuis pas et je fais confiance à leur compassion pour l'étranger que je suis.
La logique, cette croyance qui est la mienne, et qui souhaite être empreinte tant de sincérité que d'humilité, m'a enseigné que jamais je ne trouverai d'individus ou de groupes d'individus qui correspondent à tous mes desiderata. Alors, je considère que lorsque j'ai plus d'une certaine quantité floue d'affinité avec l'être ou la communauté, c'est qu'un lien puissant peut être tissé : conjoint, ami, collègue, compagnons, citoyens de la terre qui m'héberge.
Lorsque j'ai endossé la nationalité française, c'était pour moi un honneur d'aller voter dès que je pus. Tout ce qui blesse la France, ou plus précisément ces centaines de personnes avec qui je partage ma vie, mes rêves comme mes souffrances, ces personnes qui sont françaises de naissance ou de choix, me blesse moi. Et dans ce cas, même si je suis fils de la Terre, toute la Terre, que l'on ne me demande pas comme dans l'évangile « de tendre l'autre joue ». Certes, j'essaierai de suivre le conseil de ce même livre : « pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font », car ce Jésus, avec ce conseil désespéré, avait bien anticipé Freud, Marcuse, Laborit et bien d'autres chercheurs qui m'ont éclairé sur la condition humaine plus que sur la politique.

2010-04-20

De la sous-traitance au « mal » traitement.

La sous-traitance est un contrat par lequel une entreprise dite « mutuelle » demande à une autre entreprise dite « assujettie » de réaliser une partie de sa production ou des composants nécessaires à sa production. Les entreprises sous-traitantes sont des entreprises auxquelles sont agréées certaines parties de travail.
Le sous-traitant est différent du simple fournisseur car il fabrique un produit conçu par le donneur d'ordres ou, souvent, en commun avec lui. Le produit est fabriqué par le sous-traitant pour le compte exclusif du donneur d'ordre et ne porte pas son nom. Le sous-traitant s'engage exclusivement sur la conformité de son exécution par rapport aux directives du donneur d'ordre.

L'homme, comme toute espèce vivante, est un transformateur d'énergie. Il en a pour vivre et créer, mais il doit se la procurer et cette opération consomme de l'énergie, donc une perte.
L'une des tâches de l'intelligence est d'en optimiser le rapport gain/perte. Ce rendement est amélioré par exemple en évitant de refaire le processus de création complet. D'où l'instinct de possession qui permet de conserver l'outil fabriqué plutôt que de le reconstruire à chaque besoin.
Grâce à son intelligence, l'humain a aussi compris qu'il était rentable d'utiliser l'énergie d'autres êtres vivants soit pour accumuler les énergies et leurs effets par synergie, soit pour économiser les siennes en sous-traitant ses actions. Ainsi, l'agriculture est plus rentable que la cueillette, l'élevage que la chasse et la domestication permet d'utiliser les compétences des autres formes évoluées de vie.
L'humanité découvrit que l'animal le plus rentable était l'humain lui-même, créant ainsi la dominance de l'homme par l'homme. Au début, seuls les « hors-clans » étaient exploités. Il s'agissait de castes de bannis ou de vaincus lors des guerres territoriales. Mais peu à peu, l'intérêt fut plus grand, les dominants plus gourmands. Les guerres devenaient razzias suivies des traites. Si l'esclavagisme a disparu en surface, on peut toujours, hélas, se demander ce qui a prévalu dans le subconscient de la dominance. Par exemple, était-ce le sort des esclaves des États du Sud ou leurs « valeurs » concurrentielles par rapport aux industries nordistes ? Peut-être vaut-il mieux, pour certains dominants, de ne pas faire de psychologie de profondeur ni de fouilles historiques qui pourrait déterrer une vérité encombrante, choses que d'autres prétendants à la dominance ne se gêneront pas d'exploiter un jour où l'autre pour réveiller haine paranoïaque et désir de revanche, et recommencer ainsi à leur avantage exclusif un cycle de nouvelles têtes remplaçant celle qui furent tombées.
La civilisation a progressé et se nourrit maintenant de sous-traitants salariés de plus en plus externalisés pour gagner en liberté de cessation de contrat et aux taux de change... Rien n'arrête le progrès...
Point besoin de recourir au second principe de thermodynamique pour comprendre que l'employeur doit « dépenser » moins d'énergie qu'il en « récupère », sinon, il s'épuiserait. C'est ce qui se passerait lors des échanges directs, par exemple, en payant les services d'un plombier, d'un médecin. Dans ces derniers cas, la rétribution est telle qu'il serait en général impossible d'employer à son compte de tels « salariés ». (Et que dire des « services » demandés à la femme, ce qui mériterait bien plus qu'un pamphlet d'article.) Ce n'est réalisable que parce que c'est ponctuel. Si l'employeur faisait lui-même le travail qu'il a assigné à l'employé, il gaspillerait sans doute plus pour gagner moins puisque son temps serait monopolisé par cette tâche. Si le plombier ou le médecin était vraiment salarié, leur patron devrait leur fournir obligatoirement moins que ce qu'il gagne au total.
Cette situation n'est pas nécessairement « injuste », car nombre de salariés accepteraient que la part supplémentaire de l'employeur corresponde à une certaine protection de l'association employeur/employé. Le bénéfice du patron devient en quelque sorte une rémunération. Mais, lorsque le profit de l'employeur devient « impudiquement » supérieur au « troc » de compétences, la sous-traitance est souvent ressentie comme une « mal traitance », une exploitation de l'homme par l'homme.
Un effet pervers se crée à partir de cette hypergratification de la hiérarchie dominante. Le « management », ressenti comme source de profit « conséquente », pour beaucoup un but social, dont le parcours orientera les choix de l'éducation vers cette « manne » au détriment des métiers productifs. Les systèmes européens sont rentrés en plein dans ce processus qui ne peut qu'entraîner à terme un certain collapse cybernétique. Et ce problème est d'autant plus vicieux que ce système associé au libéralisme (mais à peine contesté par les socialistes issus de ces rangs) est souvent considéré comme modèle à suivre dans les pays dits émergents.
Et si les rameurs n'ont plus l'énergie, ou s'il n'y a plus que des barreurs, comment le bateau fera-t-il pour avancer ? Nous sommes bien dans la même galère où nombre d'intellectuels admirent doctement, voire silencieusement, les signes avant-coureurs de la tempête.
Les systèmes socialistes abandonnant les idées du communisme à cause de ses nombreux échecs de mises en place par des humains qui ont voulu tout corriger sauf l'humain dominant, semblent oublier que tous les métiers sont honorables, pas seulement ceux du prolétariat, et que la seule manière de faire participer dignement tous les humains à leur société c'est par la synergie comme les organes et les tissus d'un organisme complexe. Au lieu de cela, ils instaurent leur hiérarchie, leurs élites et ils ont oublié qu'il y a autant d'honneur d'être un premier violon qu'un chef d'orchestre, et qu'il n'y aurait pas de premier violon s'il était soliste, et que sans le machiniste qui se cache dans les coulisses il n'y aurait peut-être pas de lumière pour voir les musiciens.
La sous-traitance est incontournable pour que l'humanité grandisse. La hiérarchie est peut-être inévitable, mais la dominance ? Lorsque la crise s'installe dans un organisme, ce qu'on appelle le « stress », lorsque les organes commencent à souffrir de manques divers, de déséquilibres au profit de certains autres, c'est petit à petit l'être entier qui tombe malade. Et pourtant, dans l'organisme, les organes qui monopolisent l'énergie ne le font pas par pur égoïsme, par « domination ».

2010-03-23

La conviction qui rend sourd et aveugle

« Le Bouddha raconta cette histoire à ses moines :
Un jeune veuf se dévouait à son petit garçon. Mais pendant qu'il était en voyage pour son métier, des bandits incendièrent tout le village, le laissant en cendres, et enlevèrent le petit garçon. Quand le père rentra, il ne retrouva que des ruines et en eut le cœur brisé. Voyant les restes calcinés d'un enfant, il crut que c'étaient ceux de son propre fils, prépara une crémation, recueillit les cendres, et les mit dans un sac qu'il emportait partout avec lui. Un jour, son vrai fils parvint à échapper aux bandits et à retrouver le chemin de la maison, que son père avait reconstruite. Il arriva, tard dans la nuit et frappa à la porte. Le père demanda :
− Qui est là ?
− C'est moi, ton fils. S'il te plait fais-moi entrer !
Le père, qui portait toujours les cendres avec lui, désespérément triste, crut qu'il s'agissait d'un misérable qui se moquait de lui. Il cria :
− Va-t-en !
Son enfant frappait et appelait sans cesse mais le père lui faisait toujours la même réponse. Finalement le fils partit pour ne plus jamais revenir. »
Après avoir terminé ce récit le Bouddha ajouta :
« − Si vous vous accrochez à une idée comme à une vérité inaltérable, quand la vérité viendra en personne frapper à votre porte, vous ne serez pas capable d'ouvrir et de l'accepter. »


Tiré de l'Udana Sutta

2010-03-17

L'adaptation de l'intelligence

L'une des fonctions de l'intelligence est celle d'apter une solution innovante à un faisceau d'évenements préalablement non correllés. Dans une situation nouvelle, l'être intelligent (au sens large du terme) va essayer de ranger les informations nouvelles dans sa mémoire. Ce processus est généralement non conscient.
D'une manière imagée, on pourrait représenter l'accumulation de connaissance comme étant un ensemble de pyramides inversées. La pointe de chaque pyramide représenterait le germe cognitif sur lequel s'établiraient les premières acquisitions de la vie. Peu à peu, à l'instar d'un cristal en formation, l'apprentissage vient superposer des couches au-dessus des antérieures élargissant ainsi la base de la pyramide. Ces couches seraient composées de grains réaménageables pour améliorer la compréhension de l'environnement et ainsi la faculté d'y interagir. Mais tout se passe comme si les couches inférieures étaient de plus en plus figées au fur et à mesure que les couches supérieures croissent et s'appuient sur les inférieures. En effet, il semble qu'il devient peu à peu impossible de changer les bases de l'acquisition même lorsqu'elle s'avèrent fausses. C'est pourquoi nous nous montrons parfois irrationnels quant à certaines habitudes. Car, si la couche supérieure peut plus ou moins s'adapter à une situation nouvelle, les bases, elles, contribuent à notre être. De plus, le ciment qui lie cette pyramide est des plus solides car il est chargé d'émotions.
C'est probablement pour ce type de phénomène que la psychanalyse des profondeurs est si difficile à réaliser alors que les psychothérapies du comportement semblent plus efficaces puisqu'elle s'attaque aux couches « hautes ».
Respecter toute intelligence ainsi que son support (première loi de la Charte de Hôdo)

Pour cette raison, dans l'esprit hôdon, il convient d'éviter d'une part de s'opposer aux croyances de chacun, et d'autre part d'éviter le prosélytisme, car, en dehors du fait que l'on ne peut jamais être sûr d'avoir plus raison qu'un autre, il est souvent vain de forcer. N'utilisons pas l'« agression » pour convaincre. Si nous sommes bien dans notre peau, alors, d'autres seront intéressés par notre expérience et adapteront leurs pensées en fonction de leur être car l'adaptation est intelligence.

2010-02-15

14 février 2010, vingtième anniversaire des photos du système solaire de Voyager 1


« Regardez encore ce petit point. C'est ici. C'est notre foyer. C'est nous. Sur lui se trouve tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d'idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d'amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants plein d'espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les "superstars", tous les "guides suprêmes", tous les saints et pêcheurs de l'histoire de notre espèce ont vécu ici, sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.


La Terre est une scène minuscule dans une vaste arène cosmique. Pensez aux rivières de sang versées par tous ces généraux et empereurs afin que, glorieux et triomphants, ils puissent devenir les maîtres éphémères d'un petit morceau d'un point. Pensez aux cruautés sans fin exercées par les habitants d'un coin de ce pixel sur les habitants, à peine discernables, d'un autre coin, combien de fois ils ne se sont pas compris, combien ils sont prompts à s'entretuer, combien sont tenaces leurs haines.

Nos gesticulations, l'importance imaginaire que nous nous donnons à nous-mêmes, l'illusion que nous occupons une place privilégiée dans l'univers, sont mises à mal par ce point ténu de lumière. Notre planète est une poussière solitaire dans la grande obscurité cosmique qui l'entoure. Dans cette obscurité, dans toute cette immensité, rien ne nous laisse croire que de l'aide viendra d'ailleurs pour nous sauver de nous-mêmes.

La Terre reste le seul monde que nous connaissions qui abrite la vie. Il n'y a aucun endroit, au moins dans un futur proche, où notre espèce pourrait émigrer. Explorer, oui. S'installer, pas encore. Que nous le voulions ou non, pour l'instant nous n'avons que la Terre.

Il a été dit que l'astronomie est une expérience qui conduit à l'humilité et forge le caractère. Il n'y a peut être pas de meilleure démonstration de la folie des idées humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir ce point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue »



Carl Sagan, Pale Blue Dot: A Vision of the Human Future in Space (1994)



2010-01-30

Comment...?

« Comment espérer qu'un jour l'Homme que nous portons tous en nous puisse se dégager de l'animal que nous portons également si jamais on ne lui dit comment fonctionne cette admirable mécanique que représente son système nerveux ? Comment espérer voir disparaître l'agressivité destructrice, la haine, la violence et la guerre ? N'est-il pas indispensable de lui montrer combien aux yeux de la science peuvent paraître mesquins et ridicules les sentiments qu'on lui a appris à considérer souvent comme les plus nobles sans lui dire que c'est seulement parce qu'ils sont les plus utiles à la conservation des groupes et des classes sociales, alors que l'imagination créatrice, propriété fondamentale et caractéristique de son cerveau, n'est le plus souvent, c'est le moins qu'on puisse dire, absolument pas exigée pour faire un honnête homme et un bon citoyen. »
Henri Laborit (1914-1995), L'agressivité détournée, p. 8