2011-12-21

Rencontre avec Serge Jadot



Serge Jadot, vous venez de publier Terra se meurt, le cinquième et dernier tome de votre saga Hôdo, La légende. Pouvez-vous nous faire partager la trame de l’histoire ? Dans le futur, l'humanité continue de détruire lentement la planète sur laquelle elle vit. Un concours de circonstances et de jeux de pouvoir va être à l'origine d'une expérience coûteuse et incertaine, envoyer une poignée d'humains coloniser une autre planète similaire à la nôtre. Au cours de ce voyage, des destins se croisent, des humains qui se rencontrent peut être au bon moment pour donner, contre toute attente, l'espoir à ce petit échantillon d'humanité de ne pas reproduire les erreurs du passé, d'être capable de vivre en symbiose, de créer des synergies, tout en acceptant et intégrant la nature agressive de l'humain, quelle que soit l'expression de cette agressivité, domination ou soumission, violence... Plutôt que de la cacher derrière des artifices tels que la culpabilisation, l'hypocrisie, la « diplomatie »... Le point de départ est là, Hôdo, cette nouvelle planète, ce voyage en terre inconnue, mais où l'inconnue est moins l'espace que l'intelligence, l'esprit, l'âme, que les hôdons, ses habitants, apprendront à comprendre, à protéger, à respecter. Et ce, d'autant plus qu'ils apprendront à ne plus être seuls, à ne plus se considérer comme le sommet de la pyramide alimentaire, l'intelligence supérieure, l'aboutissement de l'évolution (Les anges déçus). Il n'y a pas à proprement parler de héros dans cette saga. Au-delà des destins qui se croisent ou existent en parallèle, des aventures et des drames qui se dérouleront au cours des quelques dizaines d'années qui séparent « Les pionniers de Hôdo » de « Terra se meurt », la trame de fond est celle de destinées. Destinées de planètes et de civilisations, des intelligences, se découvrant, se séparant, certaines naissantes, d'autres mutantes, d'autres disparues : intelligences synthétiques des androïdes (Homo sapiens syntheticus), intelligences extraterrestres aux formes inattendues (Jikogu)...
Comment en êtes-vous arrivé à écrire cette saga fantastique ? C'est un long cheminement et la conjonction de plusieurs passe-temps et rêves. Disons, en résumé, que je rêvais de créer un monde « tube à essai » pour développer des idées humanistes de Laborit. Je suis aussi un grand amateur de SF et je trouvais que cet univers était idéal pour rêver et faire rêver, car je ne voulais pas jouer au philosophe, mais seulement raconter des histoires sous un certain angle dépouillées de démagogie moralisatrice. De plus, la SF se prête mieux, à mon humble avis, à l'étude du comportement humain que la fantasy, genre que j'apprécie aussi.
Vous étiez-vous auparavant essayé à l’écriture avant de commencer l’aventure d’Hôdo, La légende ? Oui. J'ai écrit ce que j’appelle mon roman zéro. À l'époque, j'avais compris qu'il n'était pas rare que de jeunes écrivains de SF débutent en écrivant pour Star Trek. Je fis donc un essai et envoyai le manuscrit (le titre était « La déchirure ») à un célèbre critique de SF en lui demandant comment on pouvait obtenir l'autorisation de la Paramount. Il s'était avéré que c'était pratiquement impossible. J’abandonnai donc cette idée. Mais la réponse du critique m’encouragea à reprendre la plume. Au passage, Hôdo, vient du japonais hōdo, où le « h » est fortement prononcé, donc en français, sa prononciation est non muette et je parle toujours de Hôdo. Simple maniaquerie de ma part.
A quels lecteurs sont destinés vos livres ? À des lecteurs de sciences-fiction principalement. Mais je pense être accessible à un plus grand public amateur de contes, car mes histoires sont humaines, ainsi, l'« homo sapiens syntheticus » est une allégorie de l'homme imaginant de Henri Laborit.
En tant qu’auteur, quelles retombées souhaiteriez-vous avoir suite à la publication de vos livres ? Devenir aussi célèbre que Gene Roddenberry. Sincèrement, j'aimerais être traduit et voir d'autres écrivains d'ici et d'ailleurs développer d'autres histoires basées sur Hôdo et ces trois lois sociales explicitées dans les « anges gardiens déçus ». Si mes trois petites lois hôdonnes pouvaient apporter quelque chose à l'humanité, alors je serais plus que comblé.
Terra se meurt clôture un travail littéraire auquel vous avez consacré énormément de votre temps. Pensez-vous être prêt à tourner la page et écrire de nouvelles lignes sur une toute autre histoire ? Oui, j'y ai passé presque 20 ans... quand j'ai écrit le premier volume, je pensais que ce serait l'unique, mais en fait j'ai entamé tout de suite une suite. À ce moment-là, le réseau grand publique n'en était qu'à ses balbutiements, le smartphone (l'« allinone » dans mes romans) un rêve lointain et aujourd'hui il semblerait que l'on ait mis en évidence l'existence du tachyon (le « X2-plasme »)... Prêt à tourner la page ? Oui et non. J'ai créé un univers dont le cadre serait fixé par les 5 tomes de la légende, prêt à accueillir toute autre aventure, et j'ai déjà deux germes qui se préparent... Sinon, je pourrais aussi basculer dans le fantastique, voir la fantasy. J'exerce mon imagination dans ce domaine en quête de nouvelles aventures.
Si vous ne pouviez garder qu’un livre de votre bibliothèque, lequel choisiriez-vous ? Si je n'avais à garder qu'un seul livre, cela voudrait dire que ce serait aussi le dernier, donc celui qui m'accompagnerait jusqu'au bout. Alors, je crois que je ferais table rase de tout ce qui m'a enchanté pour me tourner vers l'inconnu. Je chercherais probablement un livre de recueil de sagesse du monde, des Amérindiens jusqu'aux moines zen en passant par tous les continents.
Des projets en cours ou à venir ? Oui, plusieurs à venir. Dans moins de deux ans, ma vie changera profondément... J'essaie de bien négocier la dernière ligne droite afin de me préparer à consacrer plus de temps à mes rêves inachevés ou en sommeil. Quant à écrire..., je m'y suis déjà remis, cette fois dans « L'univers de Hôdo ».

2011-11-17

Hôdo, la légende


Les cinq volumes de « Hôdo, la légende » sont des contes qui se bâtissent sur l'expérience du précédent tout en gardant une certaine indépendances pour permettre au lecteur de commencer par n'importe que volume. Toutes ces histoires ont un point commun : l’intelligence, l'art de s’adapter et celui de créer des synergies.
L’histoire débute par le colonisation d'une planète, Hôdo. Les « pionniers de Hôdo », volontaires plus ou moins désignés pour être les champions de leurs groupes politique, religieux, etc. doivent réussir à y survivre malgré leur divergences profondes. Pour y parvenir, le capitaine du vaisseau imagine une charte qui convienne à chaque membre de « sa » communauté.
Des androïdes se sont retrouvés mêlés à cette colonisation et eux aussi essaient de vivre en « humain » avec leurs frères de chair. Eux même se désignent comme des « homo sapiens syntheticus ». Il est à noter que c'est une allégorie de l'homme imaginant de Henri Laborit.
Ces androïdes qui deviennent aux yeux des Hôdons des « anges gardiens » découvrent un trafic de parahumains et veulent protéger ces derniers. Mais pour y arriver, il leur faut acquérir ce qui est l'un des privilèges de l'humain : la domination. Les « anges déçus » ne deviendront pas pour autant des « anges déchus ». Au contraire, il consolideront même la Charte de Hôdo.
Fort de leur adaptabilité, les Hôdons commence à explorer l'espace et découvrent d'autres formes de pensées sur « Jikogu », une planète bien étrange dont les être vivants pourtant partagent aussi la peur et l'espoir comme l'homo sapiens. Ainsi, d'autres intelligences se découvrent et se réveillent.
Les années passent quand soudain un accident cosmique va détruire, le système solaire. « Terra se meurt ». C'est un « ange gardiens » - ou « synth » familièrement désigné - qui va prendre la responsabilité de sauver les populations terriennes, car il ne sont pas sensibles à l'attrait du pouvoir et de ses avantages, qui cette fois s’étend sur plusieurs mondes.

2011-11-01

Sortie des deux derniers volumes de « Hôdo, la légende »

Jikogu est une confrontation entre différentes formes d'intelligences qui devront apprendre à vivre ensemble malgré leurs histoires.
Terra se meurt. Un cataclysme devrait anéantir la Terre. Seul un androïde intègre essayera de mener à bien l'opération titanesque de sauvetage.

Ces deux dernières histoires achèvent de planter le décor de l' « Univers de Hôdo »

2011-10-15

Les anges déçus, de la saga « Hôdo, la légende »

« Les anges déçus » est le 3e volume de « Hôdo, la légende » édité chez Edilivre dans la collection de Coup de coeur. C'est le tome charnière qui passe de la création de Hôdo, à son univers, commençant à explorer toutes les facettes de l'application de la Charte de Hôdo, et surtout des trois lois:
  • Le respect de toute forme d'intelligence
  • Le droit au refuge et à la fuite
  • Le consensus sinon le hasard

À mon épouse et mes enfants, à ma
famille et à mes amis,
à tous ceux qui ont enrichi mon vécu,
enseignants ou compagnons de route,
virtuelle ou non,
à tous ceux qui ont contribué à la
naissance de Hôdo, proches d'un moment
ou à jamais inconnus, et même les
« moins » amis…
À tous les Hôdons.

2011-09-03

Sortie des deux premiers volumes corrigés et augmentés de « Hôdo, la légende »

Les pionniers de Hôdo décrit la naissance d'une société basée sur « l'intelligence » suivant des idées de Henri Laborit quant à la non-domination et au respect de l'évitement.
Homo Sapiens Syntheticus, est l'histoire de robots devenant si humains qu'ils gagnent le statut d'« Homo Syntheticus ». C'est une allégorie sur l'être non-agressif ou l'homme imaginatif.

2011-08-13

La catégorisation

« La catégorisation est l’un des aspects les plus importants du langage. Sans cette capacité que nous avons de regrouper des objets similaires dans des catégories, le langage serait une suite infinie de noms désignant des objets particuliers. Aussi bien dire qu’il serait impossible.
La catégorisation permet surtout de créer des concepts, c’est-à-dire des représentations mentales générales et abstraites. Et grâce aux concepts, le langage devient un outil qui permet d’étendre nos capacités cognitives pour ensuite s’en servir pour mieux comprendre le monde. » (Le cerveau à tous ses niveaux)
Parmi les formes de catégorisation, il est celui des us et cultures. Or, l'esprit humain catégorise pour distinguer le bon du mauvais, le favorable du défavorable, l'ami de l'ennemi, cela fait partie de sa structure cognitive. Ainsi, il est fréquent de vouloir créer une sorte de dichotomie de blocs X/Non-X, comme, par exemple(*) en ce début de XXIe siècle, Occident/Non-Occident.

Cette catégorisation de loin bien plus floue que l'astrologie, ne se base pas sur des « mesures » précises, mais souvent sur de vagues délimitations territoriales, ce qui laisse planer l'esprit d'une antique, mais, hélas, toujours renouvelable guerre de terroir, de territoire, de domination. Ce type de catégorisation émotivo-politique ne s'appuie souvent que sur des schémas incomplets parfois extraits de l'ethnologie et de l'anthropologie. Dénué de passions, il serait plus précis, clair et sain d'appeler un chat un chat : dans l'exemple précité, il faudrait déterminer avec une objectivité toute scientifique si l'Occident peut être en effet l'ensemble des sociétés basées sur la culture judéo-chrétienne (et définir à la fois cette dernière et la notion de « basé sur »), sous influence états-unienne (mais, qu'est-ce l'« influence » ?), ou d'autres critères... Pourquoi pas ?

Chercher à réunir ceux qui partagent une même forme de communication est incontournable non seulement pour l'efficacité des échanges et de la cohabitation, mais aussi du point de vue macroscopique de la société composée d'êtres recherchant des zones sécurisées. Catégoriser les comportements humains peut être utile aux sociologues et aux psychologues, toujours dans l'esprit d'expliquer et de « prévoir » la cause et son effet. Mais cette catégorisation dans des mains de « dominants » risque de faire fi des individus qui composent les grands ensembles... C'est pourquoi les deux lois premières de Hôdo doivent s'appliquer ici aussi :
Le respect du droit à l'intimité et à l'évitement (deuxième loi de la Charte de Hôdo) recouvre cet aspect communautaire, mais le respect de toute intelligence ainsi que de son support (première loi de la Charte de Hôdo) met en garde de ne pas transformer les zones de l'autre en territoire ennemi à (re)conquérir tôt ou tard. 
(*) Les exemples ne manquent vraiment pas dans toute la planète, à toutes les époques et quelles que soient les dimensions des communautés. L'exemple choisi ici semble être connu de presque tous les Terriens et est un bijou de flou artistiquement entretenu.

2011-07-27

Les romans de Hôdo, la légende

Les pionniers de Hôdo



La légende de Hôdo est une expérience de pensée de bio-socio-psychologie humaniste à travers des contes de science-fiction développée autour des concepts de Henri Laborit autour de l'agressivité et de la domination.

Fasciné à la fois par l'intelligence humaine ou de « synthèse » et par cet univers dans lequel évolue cette faculté en quête de réponses, germa en moi le désir de créer une légende, un rêve inachevé que l'on transmet à d'autres comme celui d'Icare tant pour rejoindre les étoiles que pour créer un paradis terrestre.
Ainsi naquit une odyssée, mélange de « hard-fiction » (à cause de ma formation de scientifique) et de « spéculative » (à cause de mon intérêt pour la psychologie et la sociologie).
Hôdo est une légende en cinq tomes (et peut-être plus dans le futur).
  • Les « pionniers de Hôdo » décrit la naissance d'une société basée sur « l'intelligence » suivant des vœux de H. Laborit quant à la non-domination et au respect de l'évitement. (extrait)
Le hasard veut que l'oeuvre fut terminée en 1995, date du décès de Laborit dont les idées imprégnèrent cette légende, et date anniversaire des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, symbole parmi tant d'autres de la folie humaine. Édilivre a édité la dernière version dans sa collection Coup de coeur.
Serge Jadot
2011-07-27

2011-07-14

Comment créer l’homme imaginant ?

Le rêve de tout humain est de tendre vers « son » bonheur. En général, il semble évident que la réalisation de ce bonheur ne peut se construire que dans la paix. La paix vis-à-vis de la planète et des voisins humains. Le premier se résout tant bien que mal par une compréhension et une maîtrise de la nature, le second, par l’établissement de règles sociales de cohabitation permettant d’éviter les conflits de tout type qui peuvent surgir entre et à l’intérieur des communautés.
Dès la naissance, l’enfant apprend à respecter des lois tout en testant l’étendue de son domaine de liberté. Peu à peu, les automatismes des pulsions primitives sont plus ou moins « profondément » dirigés par des automatismes culturels. Même l’enfant loup a reçu une éducation : celle des loups. Sans la moindre éducation, il est fort probable que l’enfant serait inapte à survivre, car elle n’enseigne pas seulement les protocoles sociaux, mais aussi les acquis des générations antérieures afin d’éviter les mauvais choix et de profiter du savoir des autres pour mieux affronter les inconnues de son univers.
Or, toute mémorisation requiert de fréquentes répétitions et de puissantes motivations. Ainsi, l’enseignant — le maître — usera (abusera parfois) de châtiments et de récompenses pour forcer l’apprentissage.
Victime de sa propre intelligence et de la quête biologique de la moindre action, l’homme cherche, à défaut de certitudes, des probabilités rassurantes. Son inquiétude à trouver des solutions le pousse à anticiper jusque dans l’insondable au-delà. Mais là, aucun retour d’expérience ne vient le renseigner. Même l’esprit critique peut se laisser emporter par le doute, celui du sens de la Vie.
Comme les expériences sont favorables, indifférentes ou néfastes pour l’être biologique, l’intelligence, par analogie, projette des valeurs plus ou moins bonnes, plus ou moins mauvaises sur les concepts de l’être pensant. C’est la conscience morale.
L’étude de la morale reste l’apanage des philosophies et des religions. Ce sont elles qui proposent des comportements de l’homme, et l’enseignement du code moral associé, conditionnant l’esprit en jouant sur la notion du châtiment et de la récompense. Qu’il s’agisse d’une fessée ou d’un cadeau, de la peur du gendarme ou de l’honneur sauf, des obscurs chaos infernaux ou des paradis plus ou moins fantasques, partout, le bâton et la carotte entraîne l’humain à obéir aux dogmes des convictions à la mode ou imposées par d’autres moyens.
Hélas, chaque sage, chaque époque, chaque lieu ont leur vérité. Pire, chaque humain a sa propre interprétation de ce qui lui a été enseigné.
L’idéal laïque républicain était de mettre fin à un endoctrinement orienté uniquement par les religions. Mais en fait, le laïcisme républicain n’est qu’une autre forme de religion où l’adoration en une quelconque divinité s’est transformée en l’adoration en une absence de dieux ou en une Science sacralisée. Le pouvoir de dire ce qui est bien et mal n’a fait que changer de mains.
Ainsi, l’éducation reste dans tout les systèmes, la forge où sont frappés les ordres à respecter selon des lois elles-mêmes marquées de certitudes. Sans que nous le sachions, notre éducation nous domestique, nous robotise. Les libertés politiques ne libèrent que les nouveaux décideurs, quant aux serfs, ils changent de noms et deviennent salariés, actionnaires, mais dans tous les cas, continuent à « produire de la richesse » pour d'« autres ».
La liberté n’existe pas : on dépend toujours de l’enseignement d’autrui. Il ne faut pas se leurrer, l’enseignement est incontournable et n’est pas source bonheur.
Pour Hôdo, l’éducation ne devrait être qu’un raccourci qui nous évite à redécouvrir l’Histoire de l’humanité, mais pas un endoctrinement quelconque. Or, ce souhait est une utopie. La seule manière d’y remédier et d’apprendre à savoir cohabiter avec autrui sans être un mouton, c’est d’appliquer une rigoureuse transparence à l’enseignement. C’est à dire de bannir toutes les formes d’autorité abstraite telles que : « On ne fait pas cela, c’est toujours ainsi, etc. » Mais, au contraire dire : « Moi, je n’aime pas cela, je préfère cela. » Le Moi n’est pas si haïssable que cela ! C’est le dieu « On » qui l’est. Et l’enseignant, même maître, n’est qu’un homme.
Et puisqu’aucune éducation ne peut s’élaborer sans objectif, visons vers l’être imaginant, cher à Laborit. Apprenons que la connaissance a ses zones d’ombres et ses frontières où règnent le doute et l’incertitude et que ce sont, là, nos destinées d’êtres pensants. Apprenons à écouter et à ne pas ériger en barrières infranchissables nos convictions sans lesquelles nous ne pouvons vivre, de même que nous ne pouvons nous passer de notre squelette rigide. Apprenons à imaginer des solutions à chaque problème social, et que l’une des solutions possibles puisse être la fuite. Apprenons surtout ce qu’est la dominance, sous toutes ses formes, afin de rester vigilant autant à l’emprise des autres qu’à celle de son ego. Soyons humbles !
Pour favoriser l’éclosion de cet homme imaginant, privilégions comme objectifs, la santé mentale et physique, la connaissance et l’art. Et cessons de faire en sorte que l’enseignement soit ballotté entre une éducation censée développer un être civilisé et l’enseignement professionnel qui changerait ce docile humain en utile instrument de productivité ayant droit au paradis de la consommation s’il est bien intégré dans son rôle social.

2011-05-15

La domination détournée[1]

La domination est souvent gratifiante, il est donc « logique » de trouver une compensation pour la détourner. Or, la domination au sens d'acquisition d'une maîtrise, d'une connaissance ou d'une pratique est gratifiante. Malheureusement, allez présenter votre plan de carrière en disant que ce qui vous intéresse, c'est l'expertise et non la grimpette d'une quelconque échelle hiérarchique qui fera de vous un chef de projet, puis un chef d'équipe, puis un chef de service, puis...! Même si l'on ne vous rit pas au nez, vous découvrirez rapidement que vous n'avez rien compris au système social actuel qui n'a d'autre intérêt à peu près égal que celui de la consommation. Il faut donc tout bouleverser dans ce domaine.
Comment tout bouleverser sans prise de domination ?
Cela semble impossible, sauf si l'on libère chaque cerveau des prêts-à-penser. Cette opération est plus que lente, elle est difficile à deux titres au moins : elle s'affronte toujours contre des points aveugles et la lutte contre le prêt-à-penser peut elle-même s'appuyer sur des points aveugles incluant l'esprit de domination à l'intérieur de la cécité.
Mais, le cerveau semble être doté d'un mécanisme de plaisir lorsqu'une nouvelle donnée vient d'être intégrée dans la mémoire, que cela soit pour l'assimilation ou pour la restitution. C'est cela qu'il faut développer, non pas dans l'esprit révolutionnaire de gangrener le système, mais de celui de « purifier » son propre moi. Il existe de nombreuses techniques religieuses et/ou scientifiques. Quelles sont les meilleures ? Celles qui donnent des résultats positifs sur celui qui les utilise, car chaque cerveau, même disposant d'un comportement global lié à l'espèce, même noyé dans un environnement culturel, est doté de sa propre mémoire, et donc, remonter à la source est un travail individuel que seul l'individu peut réaliser. Il faut donc trouver la bonne chaussure au pied du marcheur.

Notes:
1.- Allusion au livre de H.Laborit « L'agressivité détournée »

2011-03-27

Comment passer le flambeau?


L’éducation est incontournable et ne doit pas se limiter au « dressage » qui rend l’homme utile à la société de consommation. Comment, alors, ne pas tomber dans le piège de l’endoctrinement ?
Nous pensons que la vérité n’est l’apanage de personne. Mais chacun d’entre nous croit en la sienne. Et chacun essaye de faire partager aux autres sa vision des choses, car nous évoluons dans le même espace vital. Un espace où, l’un comme l’autre, nous préférons vivre en paix. La paix, même les fous assoiffés de guerres se la réclament, justifiant l’extermination de toute menace.
Notre conception de la vérité nous interdit l’« évangélisme » puisque nous le combattons. Nous nous refusons d’être des maîtres à penser, car nous redoutons de devenir nous même des endoctrineurs. Pourtant, nous voulons communiquer nos espoirs et nos combats. Sans démagogie et sans bombes !
Les trois principales sources de propagandes sont l’élitisme à travers l’enseignement professionnel, l’influence du jugement dans la culture dite générale et évidemment le « catéchisme » des morales religieuses ou philosophiques. La première est directement liée à l’instinct de domination et les parents en sont souvent les principaux instigateurs, même ceux qui crient haut et fort leur foi socialiste ou prétendument égalitaire. Des trois, la seconde est la plus pernicieuse, car c’est à travers la « culture générale » que se distillent, à l’insu de l’individu, des valeurs éthiques digérées puis régurgitées par les pédagogues. Le pouvoir de persuasion des traditions et de l’histoire (où nous enlevons sciemment la majuscule) est tel qu’il peut se passer de cours de morale et donner ainsi l’impression de neutralité objective et de liberté.
Mais chacune de ces techniques crée des groupes avec les risques inévitables de sectarisme. Chaque groupe étant d’ailleurs convaincu de détenir seul la vérité. C’est l’élite, aristocratie d’un moment, qui domine la populace. C’est le juste, sûr de ses droits, qui blâme et corrige, toujours prêt à jeter la première pierre contre l’ennemi. C’est l’élu, envoyé des dieux ou représentant du Peuple, penché sur l’échiquier machiavélique où les cases bleues ou rouges sont piétinées par de braves pions.
C’est face à ce piège, à ce dilemme, que se trouve le projet Hôdo. Et pourtant, il est impossible de vivre en société sans un protocole minimum qui assure au moins la possibilité de communiquer. Le projet Hôdo, lui-même, possède sa propre charte, aussi minimaliste soit-elle. Alors, comment partager des règles sociales sans tomber dans un prosélytisme plus ou moins sournois ou tyrannique ?
Tout d’abord, il faut rester humble (à ne pas confondre avec modeste). C’est-à-dire ne jamais croire ni prétendre détenir seul la vérité, pour peu qu’on en tienne un bout. Ceux qui croient au projet Hôdo doivent toujours garder en mémoire que leur choix n’est que le plus opportun permis par une liberté, ô combien, restreinte, si elle existe même.
Il ne faut accepter aucune compromission ni à l’élitisme, ni à l’égalitarisme démagogique. Nous ne sommes égaux que dans notre « devoir » de permettre en permanence la créativité et d’assumer seuls notre liberté. Il ne peut non plus y avoir d’évaluation « élitiste ». Car il n’y a pas ceux qui sont mieux que les autres, mais uniquement ceux qui sont plus disposés et prêts à acquérir une compétence plus complexe dans certains domaines et à s’en servir. Car nous sommes essentiellement variés dans notre nature humaine sans aucun mérite, ni honte, des hasards de notre naissance. (Une chance, d’ailleurs, pour l’évolution de la Nature.)
Nous sommes tous égaux dans notre droit à la fuite et au refuge. Pour un Hôdon, le harcèlement, le viol autant physique que psychique, sont les crimes des plus intolérables. Or, que ne voit-on dans l’enseignement ce type de manifestation, même distillé à dose homéopathique ! Il est pourtant possible de contester et critiquer sans recourir aux quolibets, brimades, insultes et affronts.
Il est aussi possible et indispensable de démystifier les règles sociales et l’histoire de l’Humanité. Souvent, le pédagogue, parent, enseignant ou tuteur, s’abrite derrière une certaine infaillibilité de la Loi afin d’asseoir son autorité. Il est difficile en effet de s’opposer à « on ne fait pas cela » plutôt qu’à « je n’aime pas que tu fasses cela ». On ne peut facilement lutter contre « ON », pire, comme l’oeil de Caïn, on ne peut le fuir. N’en déplaise à Pascal qui déclare le « MOI » haïssable, le « ON », lui, inhibe et traumatise bien plus la psyché que le « MOI » qui s’assume.
Par contre, il est légitime que l’on se repose sur des certitudes, sur une foi. Le pédagogue ne doit pas nier ses convictions. S’il peut vouloir les faire partager, en aucun cas il ne pourra la présenter comme la Vérité, mais comme la foi que, lui, a choisie pour assumer son existence.
Mais, le pire dans l’enseignement reste le message subconscient. Celui qui est transmis même parfois (souvent ?) à l’insu du maître.
La seule parade, est d’enseigner tôt, très tôt, le fonctionnement de notre cerveau et son rôle dans les relations sociales, et peut-être même de le rappeler souvent.
Point besoin d’enseigner la neurobiologie pour arriver à passer le message. Henri Laborit lui-même utilisa la fiction pour largement divulguer son message. La fiction, de la fable à la science-fiction en passant par toutes les formes de contes, est un excellent tube à essai puisqu’on peut y spéculer sur des modèles de comportements dans des environnements spécifiques. Évidemment, ce type de message risque de toucher plus l’inconscient que le rationnel. Aussi faut-il toujours s’entourer des précautions d’usages, de toujours mettre en garde que « toute ressemblance est fortuite » et qu’il ne s’agit pas d’une Mythologie des temps modernes.
Il est très difficile d’admettre que nous sommes des « bêtes » jouant aux « anges ». La vérité est parfois insupportable. Pourtant, si l’on souhaite que l’homme devienne « Homme », et que sa Terre devienne son « Éden » (Hôdo), il est utile de recourir aux fables, aux paraboles et aux allégories.
Pire, ceux qui découvrent le rôle dominant du cerveau peuvent se sentir déstabilisés. Pour beaucoup, l’intelligence est plus taboue que le sexe. Pourtant, connaître les composants chimiques des parfums et saveurs n’ôte pas le plaisir de humer et de goûter. Connaître les mécanismes de la sexualité ne trouble ni l’attrait ni la consommation. Et finalement, c’est grâce aux connaissances de la physique qu’il est possible de vaincre la gravité et d’abattre bien d’autres « murs » de l’impossible.
Face aux langages imagés, d’autres se trouveront soudain une âme militante du cartésianisme, prêts à défendre leurs certitudes, leur honneur et leur responsabilité. Dans tous les cas, il faut donc utiliser au moins deux types de communication. Il faut accompagner les utopiques légendes s’adressant aux sentiments par des textes affrontant les rationalismes qui souvent servent à occulter l’inconscient, « à cacher la vipère sous l’oreiller ». Mais, ces textes non plus ne détiennent pas la clé d’une vérité que nous aurions trouvée. Or au moins deux écoles de pensées ont pratiqué l’enseignement de l’expérience intime. C'est pourquoi nous préférons jongler avec l’ironie socratique ou le kôan zen. Ceci, afin d’ébranler les certitudes de ceux qui sont fiers de leur sagesse, voire de leur médiocre train-train. Et afin de forcer à se retrancher dans sa créativité et y puiser sa propre vérité.
Ce n’est probablement pas les seules méthodes de divulgations. Et il ne faut surtout pas que la méthode cache le contenu du message. Le but n’est pas la pédagogie. Le but, le seul pour un Hôdon, c’est de largement diffuser le mode d’emploi de son cerveau. Et même pas pour partager un même savoir ! Mais seulement, parce que tant que l’Humanité ignorera les mécanismes du cerveau, rien ne changera réellement dans les sociétés : les seigneurs et leurs vassaux, les églises et leurs évangélistes, les armées et leurs héros, les réformateurs et leurs disciples changeront seulement de noms à chaque révolution.
« Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. » Henri Laborit

2011-02-26

L'adaptation de l'intelligence.




Image:Pyramides inversées montage Gizah.jpg

L'une des fonctions de l'intelligence est celle d'adapter une solution innovante à un faisceau d'évènements préalablement non corrélés. Dans une situation nouvelle, l'être intelligent (au sens large du terme) va essayer de ranger les informations nouvelles dans sa mémoire. Ce processus est généralement non conscient.
D'une manière imagée, on pourrait représenter l'accumulation de connaissances comme étant un ensemble de pyramides inversées. La pointe de chaque pyramide représenterait le germe cognitif sur lequel s'établiraient les premières acquisitions de la vie. Peu à peu, à l'instar d'un cristal en formation, l'apprentissage vient superposer des couches au-dessus des antérieures élargissant ainsi la base (vers le haut) de la pyramide. Ces couches seraient composées de grains réaménageables pour améliorer la compréhension de l'environnement et ainsi la faculté d'y interagir. Mais tout se passe comme si les couches inférieures étaient de plus en plus figées au fur et à mesure que les supérieures croissent et s'appuient sur les précédentes. En effet, il semble qu'il devient peu à peu impossible de changer les « pointes » (en bas) de l'acquisition même lorsqu'elles s'avèrent fausses. C'est pourquoi nous nous montrons parfois irrationnels quant à certaines habitudes. Car, si la couche supérieure peut plus ou moins s'adapter à une situation nouvelle, les fondements, eux, contribuent à notre être. De plus, le ciment qui lie cette pyramide est des plus solides, car il est chargé d'émotions.
C'est probablement pour ce type de phénomène que la psychanalyse des profondeurs est si difficile à réaliser alors que les psychothérapies du comportement semblent plus efficaces puisqu'elle s'attaque aux couches « hautes ».
Pour cette raison, dans l'esprit hôdon, il convient d'éviter d'une part de s'opposer aux croyances de chacun, et d'autre part d'éviter le prosélytisme, car, en dehors du fait que l'on ne peut jamais être sûr d'avoir plus raison qu'un autre, il est souvent vain de forcer. C'est l'une des raisons du respect de toute intelligence ainsi que de son support (première loi de la Charte de Hôdo).
N'utilisons pas l'« agression » pour convaincre. Si nous sommes bien dans notre peau, alors, d'autres seront intéressés par notre expérience et adapteront leurs pensées en fonction de leur être, car l'adaptation est intelligence.

  • Un neurone ne peut établir instantanément un contact avec d'autres afin d'enrichir la maille cognitive du cerveau. Des « cônes de croissance » vont permettre de développer des couplages mécaniques, et cela, prend du temps...
  • Le cerveau ne peut être malléable à volonté. Il a besoin d'acquérir une certaine rigidité pour être en mesure d'accomplir les tâches qui se sont imposées. Il ressemble en cela à un outil qui devient solide après avoir été modelé. S'il s'agissait d'un outil de percussion, il ne pourrait rester mou, il faudrait qu'à un moment donner il devienne un marteau utile. L'environnement (et donc entre autres l'éducation) en fera un marteau d'orfèvre, de charpentier, de forgeron, voire un marteau-piqueur... L'apprentissage « adulte » en fera un instrument plus efficace, mais rarement différent.
  • Ce processus réducteur [l'inhibition de la disponibilité] est un véritable système d'autodéfense. Constitué, pour partie, de mécanismes génétiquement déterminés, provoqués ou figés dès la première enfance, ce système restrictif agit toujours selon un schème répétitif ayant pour seul objet la préservation de l'intégrité neuropsychologique de l'organisme dont il procède. Son action entraîne un manque de plasticité de la réceptivité foncière et constitue l'une des grandes limites cognitives. Pg 38, RAM, L'envol de la grue, éd. Dés-iris, ISBN 2-907653-72-5.

2011-01-28

La politesse?

L'homme étant un être vivant soumis aux lois de la vie qui contiennent celle de l'agression et de la domination se doit de ménager des zones de paix sinon il serait en stress permanent ce qui serait très préjudiciable. Lorsqu'il rencontre l'un de ses congénères, il sait qu'il se trouve en face à la fois d'un conflit potentiel ou d'une alliance possible. Il lui faut donc élaborer dès le premier contact un message de non-agression, voire d'amitié. Hélas, ce message de bienvenue est insuffisant pour rassurer la nature inquiète de l'homme qui ressent plus que tout autre animal l'intrusion dans son territoire que son intelligence projette bien au-delà des limites physiques de proximité. Ainsi, l'humanité a développé des codes de respect transmis au travers de l'éducation, donc mélangés avec d'autres « valeurs » issues de la qualité de vie et de toutes les croyances associées à une époque et à un lieu. Ainsi, la main gauche pour les uns symbolise la main du coeur et pour d'autres la main du côté « sinistre » ; et la main droite vide est symbole de paix, car elle ne tient pas d'arme... Que de confusions possibles entre « cultures » !
L'agressivité et la domination aux multiples visages peuvent exploiter toutes les failles de tout système. Il est possible de blesser efficacement avec des paroles douces « polies » ne permettant pas la réplique. Ou à l'opposé, c'est le refus d'utiliser la courtoisie locale pour affirmer un conflit de générations, de cultures...
Pour atténuer les tensions, certaines civilisations ont élaboré des codes raffinés comme le keigo ( littéralement, langage du respect) qui est l'ensemble du système de politesse en japonais. À la différence des langues occidentales dans lesquelles la notion de politesse se réalise essentiellement à partir de vocabulaire et d'expressions plus ou moins polis, le japonais intègre la courtoisie dans un système grammatical difficile à retranscrire en français sans utiliser des périphrases comme « j'ai l'impression que », « on dirait que », « c'est comme si », voire « ce n'est pas que ce n'est pas ». Mais, en dehors des mécanismes complexes de respect (ou de soumission) à une hiérarchie de catégorisation par fonctions, proximités, sexes, âges... le plus intéressant de point de vue hôdon, c'est la notion du langage de modestie. Cette forme de courtoisie, ou kenjōgo, est l'une des trois faces de la politesse japonaise, souvent la plus difficile à appréhender, car pour beaucoup d'autre culture cette attitude est assimilée à une hypocrite allégeance.
Pourtant, se montrer modeste est de notre point de vue la seule manière de mettre en veilleuse toute forme d'agressivité.

La netiquette possède un ensemble de règles de politesse élaboré par les pionniers des réseaux informatiques, toujours valable sur internet, mais de plus en plus ignorée, comme d'autres règles de courtoisie, par exemple, celle de citer l'auteur ou le site d'un élément recopié.